L’exhibitionnisme militant des Femen est protégé par l’article 10 de la CEDH
L’exhibitionnisme militant des Femen est protégé par l’article 10 de la CEDH. Tel pourrait être l’enseignement de l’arrêt de la Chambre criminelle du 26 février 2020.
L’affaire mettait en cause une militante FEMEN qui avait exhibé une poitrine dénudée sur laquelle était inscrit « Kill Putin », à l’intérieur du musée Grévin.
L’arrêt fournit deux enseignements majeurs.
En premier lieu, la Chambre criminelle rappelle que le délit d’exhibition sexuelle, définit à l’article 222-32 du Code pénal comme « l’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public », ne suppose pas d’intention à connotation sexuelle.
Malgré l’intention purement politique de la militante Femen, le délit d’exhibition sexuelle devait donc être caractérisé.
En second lieu, la Haute Cour considère que « toute incrimination compte tenu de la nature et du contexte de l’agissement en cause, constituerait une ingérence disproportionnée dans l’exercice de la liberté d’expression ».
Autrement dit, au regard des opinions politiques exprimées dans l’acte d’exhibition, une condamnation de la militante porterait une atteinte disproportionnée à son droit à la liberté d’expression.
Pour rappel, les Femen se réclament d’un “féminisme radical”. Leurs militantes exposent leurs seins dénudés sur lesquels sont inscrits des messages politiques. L’exhibition est dès lors un mode d’expression politique qui a également pour objet de remettre en cause la sexualisation du corps de la femme.
L’analyse de la Chambre criminelle est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui offre une protection très large à la liberté d’expression, lorsqu’est en cause un débat d’intérêt général.
La CEDH aura d’ailleurs à se prononcer sur une autre affaire impliquant une Femen qui avait exhibé sa poitrine dans l’Eglise de la Madeleine. La chambre criminelle avait alors considéré que la condamnation de la militante n’avait pas « apporté une atteinte excessive à la liberté d’expression de l’intéressée, laquelle doit se concilier avec le droit pour autrui, reconnu par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, de ne pas être troublé dans la pratique de sa religion ».
Espérons que la décision de la Cour de Strasbourg permettra d’apporter des précisions sur l’étendue de la liberté d’expression des Femen et les critères à prendre en compte pour satisfaire aux exigences de l’article 10, en cas d’ingérence.
La portée de l’arrêt du 26 février 2020 pourrait aller au-delà du militantisme des Femen.
On pense évidemment aux actions de militants écologistes, par exemple des « décrocheurs » de portraits Macron, qui pourraient bien être protégées au titre de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
No Comments